Les Récifs (partie 1)

Les Récifs Coralliens (partie 1)

Afin de bien pratiquer “l’art récifal”, il est indispensable de connaître un minimum cet écosystème exceptionnel qu’est le récif corallien. Il existe bien sur une abondante bibliographie sur le sujet, mais l’idéal est d’avoir la possibilité de s’offrir un petit voyage sur les lieux pour avoir une idée d’ensemble de cet écosystème. La plupart des voyages sont maintenant relativement abordable pour la majorité d’entre nous, sauf les Maldives, la Polynésie et l’Australie. On trouve des formules tout compris (vols, hotel-club, forfait plongée, etc) à 649 euros sur le net pour une semaine en Mer Rouge ou aux Antilles…

Pour en savoir plus :

et surtout :

"L'univers inconnu des coraux"
“L’univers inconnu des coraux” chez Bordas, un peu vieillot mais une référence pour l’époque, devenu ‘culte’

Nous tentons de recréer différents biotopes dans nos aquariums, alors voici quelques articles qui peuvent vous y aider, notamment sur l’architecture du récif et son fonctionnement, nous verrons aussi l’état préoccupant, voir catastrophique des récifs coralliens dans le monde et l’évolution de ceux-ci.

Les récifs coralliens sont l’un des écosystèmes les plus complexes de notre terre. Ils sont apparus il y a environ 2,5 milliards d’années, sous une forme beaucoup plus simple que celle que l’on peut observer aujourd’hui. Ils sont situés entre le tropique du cancer et le tropique du capricorne. La plupart des récifs coralliens sont donc dans la zone Indo-pacifique. La zone “caraïbes” est un peu moins riche en faune. Après des destructions et des reconstructions, les récifs dit “modernes” se sont stabilisés il y a environ 50 millions d’années.

Les récifs coralliens sont des assemblages de coraux morts et vivants, la forme même de ces coraux est directement influencée par la zone d’habitat. (appelée parfois la ‘zonation’) D’ailleurs un même corail peut changer de morphologie suivant sa localisation, c’est à dire que les coraux s’adaptent parfaitement à leur environnement. (par exemple, les coraux de type “branchue” ont besoin de beaucoup de lumière et de brassage, il seront donc implantés en surface de l’eau). A nous de recréer cela au mieux dans nos aquariums.

Les récifs coralliens peuvent être comparés à la forêt amazonienne. C’est la compétition qui règne en maître, certains coraux font de l’ombre à d’autres, certains autres déploient une véritable guerre chimique ! On a constaté que dans la plupart des cas ou vous laissez un aquarium récifal se développer par lui même (c.a.d sans ‘jardinage’) seul deux ou trois espèces de coraux prennent le dessus et les autres disparaissent naturellement…Idem dans leur milieu naturel ou parfois un seul corail peut “prendre” toute une portion du récif…

La plupart des coraux sont des “bâtisseurs” de récifs, ils appartiennent à l’ordre des Scléractiniaires, classe des Anthozoaires. Ils sont aussi appelés coraux “hermatypiques”. Ils se développent à l’aide d’une algue symbiotique appelée ‘zooxanthelle’. On distingue 9 genres de zooxanthelles. C’est donc une endosymbiose, car l’algue vit au sein même du polype. Certains coraux ne possèdent pas de zooxanthelles, ils sont donc “ahermatypiques”.

Les récifs sont composés de plusieurs zones :

    • les lagons

    •  les platiers

    •  les pentes récifales

    •  les passes récifales

    •  les récifs frangeants

    •  les récifs barrières

La vie sur les récifs est incroyablement foisonnante : on estime  à plus de 4000  espèces différentes de poissons fréquentes sur les récifs et plus de 850 espèces de coraux ! Malheureusement le plus grand prédateur des récifs- détruit petit à petit cet écosystème incroyable, ce prédateur c’est l’homme…Tourisme de masse mal adapté, surpêche alimentaire, pollution directe et indirecte, réchauffement climatique, etc,etc…

Quant au commerce de l’aquariophilie marine, le nombre d’espèces le plus couramment exportées est d’environ 150 ! Il y a beaucoup de controverses à ce sujet, mais il n’y a aucun risque pour l’instant de surexploitation pour ce ‘type’ de poisson, car la plupart sont des espèces à fort taux de renouvellement. On estime le prélèvement à 1 % maximum. Malheureusement l’aquariophilie sert souvent de prétexte et l’aquariophile est souvent pris pour cible quand à la destruction du récif ! Ceci est absolument infondé et nous poussent à être encore meilleur dans la conservation et la reproduction de toutes ces espèces, d’ailleurs la réimplantation d’espèce disparue dans leur milieu naturel revient parfois à certains aquariophiles…

Le danger vient plutôt de l’utilisation, entre autre, des sels de cyanure. Car certains pêcheurs s’en servent encore en 2022 pour capturer plus facilement les poissons ainsi anesthésiés….

Une étude réalisée en 2016 aux États-Unis estime que la moitié des poissons tropicaux d’ornement américains ont été capturés par intoxication au cyanure.

La pêche au cyanure s’est développée et intensifiée à partir des années 1960 aux Philippines et en Indonésie, principaux pays fournisseurs du marché de l’aquariophilie. Point chaud de biodiversité, les eaux de ces mers d’Asie du Sud-Est abritent un tiers des coraux mondiaux, un quart des poissons marins tropicaux. Bien qu’interdite pour ses effets sur les écosystèmes par des lois nationales, la pêche au cyanure perdure. On estime qu’en 40 ans, plus de mille tonnes de ce poison ont été déversées, rien que dans cette région du monde.

https://www.youtube.com/watch?v=a694zWN2pDc&t=18s

Le cyanure est un véritable poison. Il tue aussi  toute vie présente sur le récif. Choisissez bien vos revendeurs et préférez les poissons d’élevage…

Le traitement des eaux usées reste aussi une vraie problématique, notamment dans les pays en voie de développement, le nombre d ‘installation reste encore très faible. Le tourisme local est aussi parfois (souvent en Mer rouge) une source de destruction des récifs coralliens, et les phénomènes climatiques comme par exemple El Nino en 1998 est responsable du blanchissement de 16 % des coraux de la planète, sans parler de l’acidification des océans. La résolution de ces problèmes trouvera une réponse lorsqu’on saura concilier le développement économique et durable de ces régions et la préservation des habitats coralliens. C’est sûrement un des plus grand chantier écologique de notre petite planète dans les années à venir…

Voici un texte du gouvernement sur l’état des récifs dans le monde :

PROTÉGER LES RÉCIFS CORALLIENS:

UNE MOBILISATION INTERNATIONALE, SOUS L’ ÉGIDE DE LA FRANCE EN 1999-2000

I – LES RÉCIFS CORALLIENS : DES ÉCOSYSTÈMES PARMI LES PLUS RICHES DE NOTRE PLANÈTE, MENACES DE DISPARITION

    • Après les États-Unis et l’Australie, la France prend, pour deux ans, le secrétariat international de l’ Initiative Internationale sur les Récifs Coralliens  (ICRI). Créée en 1994 par les États-Unis, l’ ICRI regroupe 102 pays dont 8 fondateurs : la France, les États-Unis, l’ Australie, le Royaume-Uni, le Japon, la Jamaïque, les Philippines et la Suède et est soutenue par 10 institutions parmi lesquelles le PNUE, la FAO, etc. Dans ce cadre, la première réunion sous présidence française du Comité international de l’ICRI aura lieu les 15 et 16 mars à Paris. Elle aura pour objet de discuter le programme de travail pour les deux années à venir. L’objectif de l’ICRI est de susciter un large mouvement international d’informations et d’initiatives pour la protection des récifs coralliens et des milieux associés dont l’état et l’évolution se révèlent préoccupants. Il s’agit d’une action majeure qui prend une importance particulière dans le cadre de l’année internationale des océans.

    • Les récifs coralliens et leurs écosystèmes associés subissent en effet une dégradation continue et alarmante dans de nombreuses régions du monde. Plus de 10% d’entre eux ont déjà été détruits par les activités humaines et 25% sont menacés de disparition d’ici 30 ans, si aucune action n’est entreprise.
    • Or ces milieux constituent, avec les forêts tropicales, les écosystèmes les plus riches en biodiversité et les plus productifs de la planète. Ils jouent un rôle social et économique majeur pour plus de 100 millions d’individus, au travers d’activités comme la pêche vivrière et commerciale, le tourisme, l’artisanat. Présents dans toutes les mers du globe, les récifs constituent aussi un indicateur très important de l’évolution du climat.
    • En conclusion de cette première réunion en France, Dominique VOYNET, ministre de l’ Aménagement du Territoire et de l’ Environnement et Jean-Jack QUEYRANNE, secrétaire d’État à l’ Outre-mer, lanceront l’ Initiative Française pour les Récifs Coralliens (IFRECOR), au cours d’un séminaire, organisé dans le cadre des ” Entretiens de Ségur “, réunissant des spécialistes français et étrangers, mercredi 17 mars à 14h30, au ministère de l’ Aménagement du Territoire et de l’ Environnement, salle des Congrès. En effet, la France est l’un des pays qui compte le plus de récifs coralliens au monde. Elle est la seule à posséder des récifs dans trois océans grâce à ses Départements et Territoires d’Outre-Mer. Ce potentiel devrait faire l’objet d’une protection et d’une gestion exemplaires et d’une valorisation internationale, notamment par la conduite d’actions de coopération associant l’ État et les collectivités locales, les organisations et les populations concernées.
    • ” L’état des récifs coralliens dans les DOM TOM ” publié et présenté lors de ce séminaire, constitue la base d’une stratégie et d’un plan d’action que le Comité de l’IFRECOR sera chargé d’élaborer.

A / 600.000 km² de récifs coralliens dans le monde : les principales causes de leur dégradation

1 – Qu’est-ce qu’un récif ?

Les récifs sont des structures sous-marines construites par les coraux. Les coraux sont des animaux marins, vivant en symbiose avec des algues et qui constituent leur propre squelette calcaire. Ces structures coralliennes servent d’abris à des milliers d’espèces qui forment la communauté corallienne.

Les récifs représentent une grande diversité géomorphologique. On distingue :

    • – le récif frangeant, étroit, qui borde la côte (les Antilles);
    • – le récif barrière, séparé de la côte par un lagon qui peut atteindre plusieurs dizaines de kilomètres de large (Australie, Nouvelle-Calédonie);
    • – l’atoll, qui est un récif annulaire de haute mer entourant un lagon central (atolls de l’océan Indien, des Tuamotu, des Maldives);
    • – le banc récifal, qui est un édifice corallien construit en pleine mer sur un haut fond.

Les écosystèmes associés aux récifs coralliens sont :

    • – les herbiers de phanérogrammes : zones de nutrition, en particulier pour les espèces menacées (tortues marines, Dugong) et frayères qui stabilisent le sédiment et oxygènent les eaux;
    • – les mangroves : systèmes biologiques très productifs, zones de reproduction et de nourricerie qui fixent les sédiments et les agents de protection des côtes contre les tempêtes et l’érosion côtière.

Ces écosystèmes occuperaient environ le tiers des littoraux tropicaux peu profonds du monde : 15% pour les récifs coralliens, 9% pour les mangroves, 9% pour les herbiers.

Les récifs coralliens sont présents dans plus de 100 pays, recouvrant une surface équivalente à celle de la France.

L’écosystème récifal est, avec les forêts tropicales, l’écosystème le plus riche en biodiversité ainsi que le plus complexe et le plus productif de la planète. Les récifs abritent des dizaines de milliers d’espèces appartenant à tous les groupes zoologiques, poissons, invertébrés marins (mollusques, crustacés, éponges, coraux, vers…), mammifères, et. Dans les zones les plus riches, on peut compter plus de 700 espèces de coraux, plus de 6000 espèces de mollusques et près de 4000 espèces de poissons. Elles sont répertoriées par l’ Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN), dans son Livre Rouge, et par la Convention sur le Commerce International des Espèces Menacées de la Faune et de la Flore Sauvage (CITES). C’est le cas des Dugong (vaches marines), des tortues vertes, luth et des baleines.

Outre cet intérêt écologique, les récifs coralliens et leurs milieux jouent un rôle social, économique et culturel majeur pour 100 millions d’individus dont l’activité en dépend : pêche vivrière et commerciale, tourisme, activités artisanales… On estime qu’un demi milliard de personnes, soit 8% de la population mondiale, vit à moins de 100 km d’un récif corallien. Dans le Pacifique, 2,5 millions d’individus habitent sur les îles entourées de récifs.

Les récifs et leurs écosystèmes constituent en effet la principale source de nourriture pour beaucoup d’insulaires : 90% des protéines animales consommées dans les îles du Pacifique sont d’origine marine. La production potentielle des ressources marines d’origine récifale est estimée à 12% des captures mondiales actuelles. Par ailleurs, les récifs coralliens contribuent environ au quart des captures totales de poissons. En Asie, par exemple, ils fournissent de la nourriture à 1 milliard d’habitants. Enfin, on considère globalement que la destruction d’un km² de récifs prive les communautés côtières des moyens d’alimenter 40 à 80 de leurs familles.

Il faut ajouter aux ” qualités nutritives ” des récifs et de leurs écosystèmes, un intérêt dans le domaine médical (prothèses) et pharmaceutique (substances actives prélevées sur de très nombreux organismes marins, comme les éponges, les ascidies…).

Ainsi, de nombreuses îles uniquement formées de matériaux coralliens ne doivent leur existence qu’aux récifs, comme les quelques 400 atolls du monde.

Par ailleurs, les coraux forment un rempart naturel, pour les côtes, contre la violence de la mer et notamment des cyclones.

Enfin, ils offrent les plus beaux paysages de tout le monde sous-marin. Ils sont par conséquent le support d’activités touristiques et de loisirs essentiel à l’économie de certains pays.

2 – Les principales causes de dégradation des récifs coralliens et des écosystèmes associés (herbiers et mangroves)

    • 10% des récifs dans le monde sont déjà irrémédiablement condamnés, et 30% d’entre eux sont fortement menacés de disparition d’ici 30 ans si aucune action de protection n’est entreprise. 58% de l’ensemble des récifs seraient mis en danger par l’activité humaine. Plus de 80% des récifs du Sud-est asiatique sont très menacés, principalement par le développement du littoral et les pressions liées à l’exploitation des ressources. En dehors du Pacifique, 70% des récifs sont soumis à une forte pression humaine. Les récifs du Pacifique sont les moins menacés. Parmi les principales menaces qui pèsent sur ces écosystème figurent
    • – les pressions anthropiques, au premier rang desquelles se situe la croissance exponentielle de la population et toutes ses conséquences (pollution, urbanisation, surexploitation des richesses marines…). En effet, les récifs côtiers situés dans des zones à forte démographie sont ceux qui subissent la plus grande dégradation. Souvent chroniques, ces pressions liées aux activités humaines ont un impact localisé et immédiat sur la frange littorale.
    • – les pressions naturelles, comme le phénomène global des changements climatiques, qui s’exercent indifféremment sur toutes les zones du récif, frangeant ou barrière.

a) Les pressions anthropiques

Les grands travaux d’aménagement (urbanisation, infrastructures, terrassements…), la déforestation, les mauvaises pratiques agricoles, l’exploitation des mines contribuent à renforcer la destruction du couvert végétal qui subit déjà, dans les îles tropicales, l’érosion naturelle (pluies violentes, vents…). Terres et sédiments se répandent ainsi dans la mer, directement ou après avoir été transportés par les rivières, et viennent étouffer les coraux et dissimuler la lumière vitale à ce milieu marin. S’y ajoutent l’eutrophisation des eaux.

C’est l’une des causes majeures de dégradation des coraux dans le monde.

Les remblais littoraux sur les récifs ou sur les mangroves, pour gagner du terrain sur la mer, détruisent totalement le récif et perturbent la courantologie lagunaire.

Les dragages pour la construction de ports ou de chenaux de navigation, et l’extraction des granulats coralliens, qui servent à la construction et à la réalisation de routes, sont des activités courantes dans de nombreux pays. Elles détruisent totalement les récifs touchés et étouffent les récifs alentours, en raison des sédiments coralliens mis en suspension.

La pollution des eaux, d’origine agricole, industrielle et domestique (nitrates et phosphates), surtout dans les zones où l’assainissement n’est pas satisfaisant, participe également à l’eutrophisation des eaux et favorise la multiplication d’algues ou autres organismes qui étouffent les coraux. Ces algues envahissent parfois même les herbiers et les détruisent. Les pesticides à usage agricole ou domestique, souvent rémanents, se révèlent eux aussi toxiques. Quant aux pollutions industrielles (hydrocarbures, métaux lourds, détergents), elles sont toxiques pour les organismes récifaux et ravagent particulièrement les mangroves.

L’exploitation intensive des ressources vivantes, notamment dans le Sud-est asiatique et les Caraïbes, met des espèces en danger de disparition. En effet, certaines techniques de pêche industrielle ou artisanale sont particulièrement destructrices pour l’ensemble du milieu (prélèvement non sélectif des espèces et des jeunes): les filets maillants aux mailles trop fines, la pêche par empoisonnement, la pêche à la dynamite, les fusils sous-marins… L’utilisation de cyanure, par exemple, qui paralyse les poissons pour les capturer vivants, a démarré aux Philippines dans les années 1960 en réponse à la forte demande de poissons d’aquarium sur les marchés européen et américain, un marché qui atteint 200 millions de $ par an. Les études du World Resource Institute indiquent que ” depuis les années 1960, plus de 1000 tonnes de cyanure ont été déversés sur les récifs des Philippines “. Outre les risques pour la santé, le cyanure tue les coraux.

Le tourisme s’avère également souvent nuisible pour les récifs, d’abord lors de l’aménagement des infrastructures (terrassement, dragage des récifs, rejet des eaux usées…), mais aussi par les activités offertes aux plaisanciers (mouillage de navires sur les coraux ou les herbiers, rejets domestiques des navires et des vacanciers, fréquentation des récifs par les touristes qui piétinent les platiers, plongent, brutalisent ou brisent les coraux et collectent la faune et la flore marines).

b) Les pressions naturelles

L’augmentation de gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère pourrait perturber le fonctionnement des écosystèmes coralliens. En effet, ce gaz contribue au réchauffement des eaux de surface des mers. Cette hausse de température, amplifiée en 1998, dans le Pacifique Sud par le courant chaud el Nino, favorise le blanchissement des récifs coralliens. Ce phénomène périodique, dont la fréquence et l’intensité en 1998 sont sans précédent, a atteint, dans les quatorze derniers mois 40 à 50% des récifs dans le monde.

La fréquence et l’intensité des cyclones devraient augmenter de 10 à 20% d’ici 2070. Or, sur le long terme, les cyclones comme les tempêtes contribuent à l’évolution de la géomorphologie des récifs et des îles coralliennes.

Par ailleurs, en plus de l’impact direct de destruction, dû à la force de la houle, les cyclones provoquent des ravinements. La terre transportée par les rivières, induit une forte sédimentation qui absorbe la lumière indispensable aux coraux. Les effets sont plus marqués en aval des bassins versants qui sont touchés par les activités humaines (mines, exploitations agricoles, terrassements…).

L’étoile de mer nommée Acanthaster planci qui se nourrit de tissus coralliens prolifère dans les récifs de 26 pays. L’origine de son explosion démographique est encore inconnue. En Polynésie, cette étoile géante est responsable de la disparition de 90% des coraux, dans certains secteurs. Les maladies des coraux d’origine bactérienne (maladie de la bande noire et maladie de la bande blanche) se sont manifestées de manière irrégulière et principalement dans les Caraïbes. Ces maladies encore peu connues ont contribué, avec les cyclones, à décimer les populations de corail appelé Acropora palmata.

B / AVEC 55 000 KM² DE RÉCIFS DANS LES DOM-TOM, LA FRANCE POSSÈDE L’ UN DES PLUS GRANDS DOMAINES CORALLIENS DU MONDE 

1 – Enjeux écologiques, culturels, économiques et sociaux des récifs coralliens d’ Outre-mer

La France est le seul pays au monde à posséder des récifs coralliens dans les 3 océans tropicaux, dans les DOM-TOM. Ils s’étendent sur un linéaire côtier de plus de 5.000 km en longueur développée et couvrent environ 55.000 km² ce qui représente près de 10% en surface des récifs mondiaux.

Une grande partie des îles des collectivités françaises de l’ Outre-mer sont entourées de récifs coralliens. 20% des atolls coralliens du monde sont situés en Polynésie française.

S’étendant sur plus de 1.600 km, la barrière de Nouvelle-Calédonie est la seconde plus grande barrière récifale du monde après la Grande Barrière d’Australie. La Nouvelle-Calédonie et Mayotte présentent, elles, des doubles récifs barrières, phénomène extrêmement rare. Il en existe moins de 10 au monde.

Enfin, grâce en grande partie à la présence de récifs, la France possède l’une des plus vastes Zones Économiques Exclusives (ZEE) du monde (cette zone peut s’étendre au maximum jusqu’à 200 miles marins à partir des côtes. L’ État côtier détient des droits exclusifs sur l’exploitation des ressources naturelles dans cette zone): plus de 90% de l’espace maritime national se situe dans les DOM-TOM.

a) L’intérêt écologique des récifs coralliens des DOM-TOM

    • – Ce sont les écosystèmes marins français les plus riches en espèces, notamment le récif de Nouvelle-Calédonie, avec plus de 15.000 espèces répertoriées à ce jour, dont 300 espèces de coraux, 5.500 espèces de mollusques et près de 2.000 espèces de poissons.
    • – Plusieurs îles éparses du Pacifique ou de l’ Océan Indien sont des sites d’importance vitale pour la reproduction des tortues : Chesterfield, Huon, Bellona en Nouvelle-Calédonie, Scilly en Polynésie et Tromelin dans l’océan Indien.
    • – Quelques unes de ces îles sont des sanctuaires sous-marins encore vierges.
    • – La diversité des formations récifales est exceptionnelle. De plus, ces milieux constituent des sites d’importance majeure pour de nombreuses espèces, comme les tortues marines et les Dugongs (vaches marines) désormais introuvables dans les eaux françaises sauf en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.
    • – Les quelques 80 atolls de Polynésie française, ainsi que de nombreuses “les coralliennes éparses de la France dans l’océan Indien, formées uniquement de matériaux coralliens.

b) L’intérêt culturel et socio-économique

    • – les produits de la pêche varient entre 2000 et 9000 tonnes par an, suivant les DOM-TOM. La pêche de subsistance, non comptabilisée, est vitale pour les populations mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna, à Mayotte, aux Antilles, et en Polynésie. Les poissons et autres produits marins correspondent, en effet, pour ces populations à la première source de protéines;
    • – quant à la perliculture, elle constitue une ressource majeure en Polynésie qui a généré 800 millions de FF en 1997 et a permis le retour des populations sur les atolls éloignés des Tuamotu-Gambier;
    • – le tourisme, en expansion grâce à la beauté des paysages et des récifs, engendre avec la perliculture, les plus grosses recettes en Polynésie, soit 7% du PIB. Une étude menée à Moorea indique que le lagon représente 80% de l’utilisation des milieux par les touristes des hôtels. Le tourisme constitue également la principale activité de l’économie des îles antillaises : le chiffre d’affaires suscité par la plongée sous-marine en Martinique est estimé à environ 15 millions de FF par an.

2 – Présentation des récifs des collectivités de l’ Outre-mer

a) Dans l’océan Pacifique

    • – en Nouvelle-Calédonie, le récif barrière s’étend sur environ 1.600 km et constitue la seconde plus grande barrière au monde, après la grande barrière d’Australie. Avec l’ensemble des récifs qui constituent les îles autour de la Nouvelle-Calédonie, comme les atolls submergés de Fairway et de Lansdowne et, plus à l’ouest, encore les deux grands atolls de Chesterfield et de Bellona, l’ensemble des formations récifo-lagunaires couvrent environ 40.000 km²;
    • – à Wallis, l’île est entourée d’un récif barrière qui s’étend sur 24 km de long tandis qu’à Futuna et Alofi, les récifs, uniquement frangeants, sont très peu développés;
    • – la Polynésie étend ses 120 îles sur 2.500.000 km² d’océan. Les îles hautes volcaniques de l’archipel de la Société sont entourées de récifs frangeants et barrière, tandis que l’archipel des Tuamotu compte 80 atolls. Les surfaces récifo-lagunaires occupent au total 12.000 km², soit 4 fois plus que les terres;
    • – enfin, situé très à l’est dans le Pacifique, Clipperton est un petit atoll de 6 km², dont 2 km² seulement de terres émergées.

b) Dans l’océan Atlantique

    • – La Guadeloupe et d’autres îles telles Marie-Galante, les îles de l’archipel des Saintes, la Désirade, Petite-Terre, Saint-Barthélemy, et Saint-Martin sont entourées de récifs frangeants et de formations coralliennes qui ne forment pas de récif. Une barrière récifale de 29 km de long s’étend dans le Grand cul de sac Marin.
    • – En Martinique, à l’ouest s’étendent des formations coralliennes, au sud des récifs frangeants, les plus riches, tandis que sur la côte est s’étend sur 25 km une barrière récifale en grande partie d’origine algale.

c) Dans l’océan Indien

    • – Mayotte est entourée d’un grand récif barrière étendu sur 197 km et qui couvre 1.500 km2 ; il figure parmi les plus grands récifs barrières de cette partie de l’océan Indien

    • – à la Réunion, les récifs frangeants bordent la côte ouest sur 25 km

    • quant aux îles Éparses de l’océan Indien, elles comprennent le banc corallien des Glorieuses (7 km²), l’atoll d’ Europa (30 km²), l’atoll de Bassas da India (1km²) et la petite île corallienne de Tromelin (1 km²), le banc du Geyser et le banc de la Zélée.

3 – L’état des récifs coralliens des DOM-TOM

Il est difficile de dresser un bilan, d’autant que près de 80% de la surface des récifs coralliens des collectivités d’ Outre-mer n’ont pas encore été visités : les formations récifales des îles éloignées de Nouvelle-Calédonie, la plus grande partie du récif barrière de cette même île, les récifs de Wallis et Futuna, près de 50 îles en Polynésie, le récif barrière de Mayotte, et les îles Éparses de l’océan Indien restent encore peu connus. Compte tenu de cette réalité, on estime à moins de 5 le pourcentage des récifs dégradés dans les DOM-TOM

a) Bref panorama

    • – Nouvelle-Calédonie (11 habitants/km²), les récifs sont en bon état avec des dégradations ponctuelles autour de Nouméa et en aval des sites miniers.
    • – L’état du récif de Wallis (66 habitants/km²) est inconnu.
    • – Futuna, le récif est dégradé.
    • – En Polynésie française (65 habitants/km²), la plupart des récifs dans les îles et atolls éloignés sont en bon état. Les récifs frangeants des îles hautes de la Société sont touchés : Tahiti compte 20 % de récifs frangeants détruits. A Bora-bora, 75 % des récifs frangeants sont moyennement ou fortement perturbés. Enfin, 56 % de l’ensemble des récifs sont menacés ou dégradés.
    • – En Guadeloupe (247 habitants/km²) et en Martinique (357 habitants/km²) , 80 % des récifs sont dégradés.
    • – A Mayotte (349 hab/km²), 50 % du récif frangeant sont moyennement dégradés ou fortement dégradés, parmi ceux-ci 36% sont mortellement touchés;
    • – Enfin, à La Réunion (269 hab/km²),: 28 % des récifs sont dégradés et 50 % perturbés.

On peut établir le constat suivant :

    • – Les zones les plus endommagées sont celles où la population est la plus dense, c’est le cas des récifs frangeants des îles fortement peuplées : les Antilles, Mayotte, la Réunion.
    • – Dans les autres îles, les récifs proches des zones urbanisées sont les plus dégradés : récifs des îles de la Société en Polynésie, de Nouméa en Nouvelle-Calédonie.
    • – Les récifs frangeants, proches des côtes, sont les plus touchés tandis que les récifs barrières et pentes externes, protégés par le lagon, demeurent souvent indemnes.
    • – Les récifs sont soumis à des variations souvent très brutales, à la suite de catastrophes naturelles (cyclones, Acanthaster, blanchissement, rejet massif de sédiments terrigènes) qui alternent avec de longues périodes de stabilité, ou d’évolution progressive. La pollution chronique, quant à elle, conduit à une lente dégradation des récifs (Antilles, Réunion).
    • – Les récifs qui subissent la plus faible pression humaine sont les récifs de Nouvelle-Calédonie, les atolls et récifs éloignés de Polynésie (Tuamotu, Gambier) et les îles Éparses de l’océan Indien.

b) Les conséquences

Outre les dégradations mécaniques qui contribuent à la disparition totale des récifs, les dégradations se traduisent, dans la plupart des cas, par :

    • – la mortalité des coraux;
    • – la diminution de la diversité corallienne;
    • – la prolifération excessive des algues d’autres organismes (alcyonaires …), au détriment des coraux;
    • – la modification des peuplements ichtyologiques avec diminution des carnivores au profit des herbivores;
    • – la mortalité ou, au contraire, la prolifération des oursins (Antilles).

4 – Les actions conduites par les DOM-TOM pour protéger leurs récifs

Les réponses apportées par les DOM-TOM aux problèmes des lagons sont diverses, d’autant que le statut des collectivités d’ Outre-Mer est différent :

    • – les DOM (les Antilles, la Réunion) disposent des mêmes compétences et sont soumis au même régime législatif et réglementaire que les départements métropolitains;
    • – les TOM (Wallis et Futuna, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie), en revanche, sont autonomes. Ils ont la pleine compétence dans le domaine de l’environnement. Les lois et règlements nationaux ne s’y appliquent pas, sauf mention expresse. Ces TOM élaborent leur propre corpus juridique;
    • – Mayotte est une collectivité territoriale avec un statut spécifique.

a) Les mesures

    • – La planification : les schémas de mise en valeur de la mer (SMVM) et les schémas de gestion des eaux (SDAGE et SAGE) applicables dans les DOM sont des outils de planification et de gestion qui permettent l’établissement des prescriptions d’aménagement ou de gestion des pollutions, en assurant la protection des récifs. De tels outils ne sont pas applicables aux TOM. Mais la Polynésie, qui possède un outil réglementaire similaire au SMVM, le plan de gestion des espaces maritimes (PGEM), ainsi que la Nouvelle-Calédonie élaborent des schémas d’aménagement destinés à mieux prendre en compte la fragilité des récifs.
    • – Les aires protégées : à l’exception de la Martinique, de Wallis et Futuna et de Clipperton, il existe des aires protégées dans tous les DOM-TOM. Au total, on compte une quinzaine de sites ” récifaux ” protégés dont 13 ont un statut de réserve naturelle. Ces aires couvrent 62.000 ha de récifs, soit près de 1 % de la surface totale. On compte un site RAMSAR (Grand-Cul-de-Sac-Marin de Guadeloupe), deux réserves de la Biosphère (Grand-Cul-de-Sac-Marin de Guadeloupe, atoll de Taiaro en Polynésie). Il faut aussi savoir que le Conservatoire du Littoral intervient dans les DOM et à Mayotte mais pas dans les TOM.
    • – Les autres mesures concernent l’assainissement (la Réunion, Bora-Bora, Nouméa), la lutte contre l’érosion des sols (La Réunion , Mayotte, Nouvelle-Calédonie), la gestion rationnelle des ressources vivantes (Nouvelle-Calédonie), la rationalisation des activités d’extractions de matériaux coralliens (Polynésie) et la lutte contre les impacts du tourisme (Polynésie, Antilles).

b) La recherche et la surveillance

    • Les DOM TOM comptent des institutions et des infrastructures de recherche importantes et le potentiel de recherche français sur les récifs coralliens est considérable. Aujourd’hui, près de 150 à 200 chercheurs travaillent en France sur ces écosystèmes.
    • Grâce aux toutes premières recherches sur les écosystèmes coralliens, à Madagascar et en Nouvelle-Calédonie au début des années 60, les chercheurs français ont fortement contribué à une meilleure connaissance des composantes, des structures et du fonctionnement des écosystèmes récifaux. Certaines recherches sont internationalement reconnues comme celles sur la connaissance des écosystèmes d’atolls, les flux de carbone dans les écosystèmes coralliens, et les travaux de géologie récifale.
    • De 1990 à 1998, le Programme National Récifs Coralliens (PNRCO), financé essentiellement par le Centre National de la Recherche Scientifique et l’ORSTOM, a contribué à donner à la recherche récifale française une grande lisibilité au sein de la communauté scientifique internationale.
    • Certaines recherches sont particulièrement innovantes, comme la cartographie des milieux récifaux appliquée à l’aménagement, les méthodologies d’études d’impact en milieu récifal (édition par le ministère d’un guide méthodologique), la mise au point d’ouvrages de protection du littoral, la réalisation d’écrans en géotextile pour protéger les récifs lors de chantiers d’extraction, et, enfin, la restauration de récifs coralliens avec la mise en place de massifs reconstitués et la transplantation de coraux vivants.

L’écosystème récifal corallien

université de Laval, Québec

Si le gros de la biomasse océanique se situe au niveau du plancton, le maximum de la biodiversité se trouve au niveau des récifs coralliens. En effet, on peut dire que le récif corallien est aujourd’hui le dépositaire et le creuset de la plus grande biodiversité marine, au même titre que la forêt équatoriale l’est pour la biodiversité terrestre.

Les récifs coralliens se retrouvent sur les plateaux continentaux calcaires ou les plates-formes insulaires en zone tropicale. Ils forment des barrières à la marge des plateaux continentaux, et on les appelle alors des barrières récifales, ou encore une frange autour des îles volcaniques, et on les appelle des récifs insulaires ou des atolls. Lorsque les coraux s’implantent à la marge des plateaux continentaux, ils forment une barrière à l’énergie venant de la haute mer. Une des barrières récifales les mieux développées, et la plus longue, est la grande barrière d’ Australie qui se situe à la marge nord-est de ce continent. Elle borde le plateau continental sur une distance de plus de 2000 km. Elle agit comme un amortisseur par rapport aux processus de la haute mer. Les vagues viennent se casser sur le récif. Les coraux devront y être robustes pour résister. Cet amortisseur crée, entre la barrière et la côte, une zone où l’énergie, le brassage, est plus faible: c’est le lagon. Il va s’y développer, entre autres, des récifs isolés où les formes plus fragiles pourront proliférer.

La barrière de Belize, dans la mer des Caraïbes est aussi une très belle barrière récifale. Elle s’étend de la Pointe du Yucatan, au nord, jusqu’au golfe du Honduras, au sud, une distance de plus de 600 km. Au niveau du Yucatan, le plateau continental est très étroit et la ceinture est très près de la côte; il s’agit alors de ce qu’on appelle un récif frangeant. Par contre au niveau du Belize, la ceinture se situe de 20 à 30 km au large des côtes et forme une véritable barrière récifale.

Les constructions récifales coralliennes se retrouvent aussi à la marge des étroites plates-formes qui se développent autour des îles volcaniques des arcs océaniques, comme dans le cas des petites Antilles, ou des volcans de point chaud, comme ceux du Pacifique. Quand on parle de récifs coralliens, on évoque le plus souvent ces atolls de la Polynésie, avec de superbes lagons bleus, îles paradisiaques, palmiers, petites huttes de bambous, etc. Ces atolls sont des récifs qui se sont développés après la formation de volcans de point chaud, à mesure que ceux-ci s’éloignent de leur source. Les schémas qui suivent expliquent la formation d’un atoll. On sait que le plancher océanique s’abaisse progressivement par rapport au niveau marin à mesure que la plaque océanique qui le supporte s’éloigne de la dorsale qui la forme, à cause de son refroidissement progressif. Parce qu’il est transporté par une plaque océanique, un volcan de point chaud va aussi s’enfoncer progressivement à mesure de son éloignement du point chaud qui l’a formé. Il faut aussi tenir compte que le volume de la plaque ainsi que celui de l’appareil volcanique lorsque ces derniers sont à la hauteur du point chaud diminueront à mesure de l’éloignement du point chaud.

Lorsqu’un volcan de point chaud a percé la surface marine pour former une île en zone tropicale, les rives de cette île sont baignées par des eaux chaudes, bien illuminées et oxygénées. Durant la vie du volcan ou immédiatement après qu’il a cessé son activité, les coraux viennent coloniser les fonds peu profonds et construire tout autour de l’île une frange récifale: c’est le stade initial, le récif frangeant. Avec le déplacement latéral de la plaque, il y a abaissement progressif de l’appareil volcanique par rapport au niveau marin. Si les coraux sont capables de maintenir un rythme de construction suffisant pour suivre le rythme de l’abaissement, la construction se fait verticalement et délimite peu à peu entre elle et la côte de l’île une zone lagunaire. A ce stade, il s’est développée une étroite plate-forme insulaire, avec sa petite barrière récifale et son lagon. Avec la poursuite de l’abaissement de la plaque océanique, le sommet du volcan en vient à être totalement submergé. La construction verticale de la marge récifale forme un anneau, avec au centre le fameux lagon bleu: c’est l’atoll.

La Sédimentation

Dans son ensemble, la charge sédimentaire du littoral n’est qu’en transit; en bout de ligne, le gros des sédiments qui proviennent des continents vont se retrouver surtout sur le glacis aux pieds du talus. Un partie de la charge sédimentaire du littoral est transportée vers le large (l’offshore), principalement par suspension. Il s’agit des sédiments à particules fines, soit les boues et les sables très fins. Occasionnellement, lors des grandes tempêtes par exemple, des sables un peu plus grossiers peuvent être amenés dans l’offshore; mais, dans l’ensemble, l’offshore, et particulièrement la marge du plateau continental, se caractérisent par l’empilement de sédiments plutôt fins. L’autre partie de la charge sédimentaire du littoral, soit les sédiments plus grossiers, sables et graviers, est apportée à la base du talus, sur le glacis continental. Ces sédiments sont chenalisés dans les canyons sous-marins qui, à plusieurs endroits, entaillent le plateau continental. Ces canyons sont le plus souvent les vestiges d’une érosion qui s’est faite durant des périodes où le niveau des mers était beaucoup plus bas qu’aujourd’hui; certains prennent leur source tout près du littoral.

Les sédiments y sont transportés par divers mécanismes, tels les avalanches, le glissement en masse, les courants de turbidité, ou la simple reptation (un glissement très lent de la masse sédimentaire). Il se forme des cônes sédimentaires très volumineux à l’embouchure des canyons, de véritables deltas des grandes profondeurs. A la marge du plateau continental, au voisinage de la rupture de pente et sur le talus, l’accumulation des matériaux crée des masses sédimentaires souvent en équilibre fragile et le moindre séisme ou simplement les effets de la surcharge contribuent à briser l’équilibre, amenant fréquemment des avalanches qui entraînent de grandes masses de sédiments qui se déposent sur le glacis et construisent ainsi ce dernier. La sédimentation à la marge continentale est donc principalement terrigène, c’est-à-dire que les matériaux proviennent de l’érosion des continents. Mais l’océan contribue aussi à produire ses propres sédiments. Le plancton est un des éléments essentiels des océans.

Le plancton constitue l’ensemble des microorganismes qui vivent à la surface des océans, dans une couche qui fait jusqu’à plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur et qui dépasse même les 100 mètres par endroits; c’est une véritable soupe organique. Une grande proportion de ces microorganismes possède un squelette minéralisé, soit en carbonate de calcium (CaCO3, le minéral calcite ou aragonite), comme par exemple les foraminifères ou certaines micro algues du nannoplancton, soit en silice (SiO2), comme les diatomées et les radiolaires. Après la mort d’un individu, son squelette devient une particule sédimentaire. Il s’ensuit que la surface des océans produit une pluie continuelle de très fines particules. Cette pluie, composée de matières organiques non encore oxydées (M.O.), de CaCO3 (calcite et aragonite) et de silice (SiO2) produit une couche sédimentaire sur le plancher océanique. Il existe une limite naturelle en milieu océanique qu’on appelle la  CCD (carbonate compensation depth = niveau de compensation des carbonates) et qui a une influence importante sur la composition des sédiments des fonds océaniques. Le plancher océanique se trouve par endroits sous ce niveau, mais en d’autres endroits au-dessus de ce niveau.

En somme, le gros des sédiments au large des marges continentales est produit par l’océan lui-même, biologiquement; ces sédiments forment, à la grandeur des plaines abyssales et des zones de dorsales, une couche composée d’un mélange de matières organiques, de silice et possiblement de carbonates, avec des proportions variables d’argiles et de poussières atmosphériques. Au milieu des années 1970, une découverte étonnante, les sources hydrothermales des fonds océaniques, a mis en évidence un type très particulier de dépôts océaniques: des dépôts métallifères de sulfures massifs. Ces dépôts se font à la faveur d’un système hydrothermal aux dorsales médio-océaniques.

Des sources hydrothermales jaillissent de grandes cheminées, les fumeurs noirs, sur les fonds océaniques. Elles proviennent du mélange de deux types de fluides: 1) les fluides hydrothermaux magmatiques, issus des vapeurs d’eau qui s’échappent du magma qui cristallise; ces fluides hydrothermaux qui peuvent être chargés en métaux dissous s’infiltrent dans les fractures de la croûte océanique et remontent vers la surface; 2) l’eau de mer qui s’infiltre aussi dans les fractures de la croûte; ces eaux marines ont des températures de l’ordre de 2°C, un ph marin légèrement alcalin de 7,8 et sont oxydantes; elles contiennent passablement d’ions sulfates (SO42-), mais sont très pauvres en métaux. Le mélange se fait en grande profondeur (quelques milliers de mètres). C’est un mélange hydrothermal à 350°C, bien différent de l’eau marine, qui est craché par les sources des fonds océaniques. Il est éjecté avec des vitesses de 2 à 4 cm/sec; il est réducteur et son ph est acide (3,5); il contient de l’hydrogène sulfuré (H2S) et, surtout, il est très chargé en métaux tels que le fer, le manganèse, le zinc et le cuivre. C’est ce qui conduit à une accumulation de sulfures massifs métallifères.

Lorsque le mélange de la source hydrothermale rencontre l’eau marine riche en ions sulfates, il se forme d’abord un collet de sulfate de calcium (CaSO4; anhydrite) par précipitation chimique; puis à la faveur d’une réaction chimique entre ce sulfate de calcium et les ions métalliques de la solution chaude, le sulfate est remplacé par les sulfures de fer, de zinc et de cuivre. La présence d’inclusions d’anhydrite persistant dans les sulfures métalliques témoignent de ce processus de remplacement. Progressivement, se construit la cheminée par croissance de son collet de sulfate de calcium qui, exposée à la solution chaude métallifère, se transforme en sulfure métallique.

Il y a un autre aspect important relié à l’existence de ces sources hydrothermales. Ce système agit comme une pompe très efficace qui aspire l’eau de mer à travers la croûte océanique et la réinjecte dans le bassin océanique au niveau des sources. On évalue qu’il faut de 6 à 10 millions d’années (Ma) pour que tout le volume d’eau des océans passe à travers cette pompe; en d’autres termes, l’eau des océans est recyclée à chaque 6 ou 10 Ma.

Le phénomène El Nino  

Le phénomène El Nino est un phénomène qui appartient d’abord au Pacifique. Il a une influence marquée sur les masses continentales péri-Pacifique, mais aussi quelque influence sur les autres régions du globe. Il met bien en évidence l’interaction atmosphère-océan.

En simplifiant, on peut dire qu’El Nino résulte d’un dérèglement atmosphérique qu’on arrive mal à expliquer et qui revient périodiquement. Le tableau qui suit montre cette périodicité pour les quatre dernières décennies. Mais déjà, dans les années 1920, on avait noté un phénomène de déséquilibre des pressions atmosphériques entre Pacifique-est et Ouest, déséquilibre qu’on sait aujourd’hui appartenir au phénomène El Nino.

Pour bien comprendre le phénomène El Nino, il faut examiner l’interaction atmosphère-océan au niveau de la zone tropicale du Pacifique, en temps “normal”, c’est-à-dire sans l’effet El Nino. Le schéma qui suit résume cette situation.

    • Les vents alizés soufflant vers l’ouest font en sorte que l’air chaud et sec des côtes du Pérou-Equateur se charge progressivement d’humidité lorsque transporté au-dessus de l’océan pour procurer un climat chaud et humide à l’Australie-Indonésie, avec des précipitations abondantes.
    • En soufflant vers l’ouest, les alizés poussent les eaux de surface vers l’ouest, créant des courants marins d’est en ouest.
    • Il en résulte un empilement des eaux océaniques du côté de l’Australie-Indonésie qui se traduit par une différence de hauteur du niveau marin entre les côtes est et ouest du Pacifique: le niveau marin est plus haut de 50 centimètres sur les côtes de l’Australie-Indonésie par rapport à celui des côtes du Pérou-Equateur.
    • Cet empilement des eaux du côté ouest cause un courant descendant qui entraîne les eaux chaudes de surface en profondeur, abaissant ainsi la thermocline (thermocline: niveau marin où il se produit une chute rapide de la température en profondeur par rapport aux eaux plus chaudes sus-jacentes). Il se crée une cellule qui fait remonter des eaux froides (courant de “upwelling”) et riches en nutriments à la marge continentale du Pérou-Equateur, relevant la thermocline. La thermocline présente donc une pente.

En diminuant l’intensité des alizés, voire même en les arrêtant ou même les renversant, le phénomène El Nino vient perturber ce système.

    • La diminution ou la suppression des alizés est-ouest cause une augmentation de la pression atmosphérique au niveau des masses continentales du côté américain, ce qui favorise la montée d’air humide et sa condensation dans la haute atmosphère, transformant un climat sec en climat humide. Cet effet sera accentué si les alizés sont renversés.
    • Du côté ouest, on assistera à un assèchement du climat, d’où ces incendies catastrophiques en Indonésie et en Australie (fin 1997).
    • Les courants de surface est-ouest meurent.
    • Il n’y a plus d’empilement des eaux sur les côtes de l’Australie-Indonésie.
    • La cellule de courant disparaît et il n’y a plus de remontée d’eau froide et riche en nutriments sur la marge continentale du Pérou-Equateur.
    • Il en résulte un réchauffement des eaux sur les côtes du Pérou-Equateur (excellent pour les baigneurs!), et une perte des nutriments apportés par la remontée des eaux froides (pas très bon pour les pêcheries). Du côté Australie-Indonésie, on note une remontée de la thermocline et un changement dans les stocks de poissons.

On connaît l’état des récifs dans le monde, ils sont menacés à peu près partout ; Voici un autre article inquiétant tiré du magasine “l’express” en date du 02 août 2001:

Une faune et une flore uniques au monde, menacées par l’activité humaine.

La Grande Barrière de corail, en Australie, est menacée. Depuis quelques années, ce site unique commence à se dégrader de manière inquiétante. Des eaux autrefois translucides sont aujourd’hui opaques. Et des coraux vieux de plusieurs centaines d’années meurent mystérieusement. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) a lancé en juin dernier un appel au secours. «Le récif a besoin de notre aide, estime l’organisation écologiste. De nombreux récifs proches des côtes sont très dégradés ou morts. L’eau est souvent marron et épaisse, comme un milk-shake boueux […]. La beauté et la biodiversité de la Grande Barrière sont menacées par la pollution terrestre.»

Le Lady Basten vient de jeter l’ancre à quelques dizaines de mètres du récif d’Ogilvie au large de la baie de la Princesse-Charlotte, au nord de la Grande Barrière. A l’arrière du bateau de l’Institut australien de science marine (Aims), Laurence McCook, chercheuse spécialisée dans l’étude des algues, s’apprête à inspecter l’état de santé de ce récif perdu au beau milieu du Grand Bleu, à plus de 30 kilomètres de la côte. Les premiers signes sont encourageants. Au-dessus du plateau corallien, plusieurs énormes tortues se reposent à quelques centimètres de la surface. Sous l’eau, des dizaines d’espèces de corail et d’éponges recouvrent les fonds sous-marins.

Ce site est superbe. Comme une bonne partie des 2 800 autres récifs de cette barrière qui s’étend sur près de 2 600 kilomètres. «J’ai pas mal plongé en Erythrée qui est considérée comme le massif corallien de la planète le moins affecté par l’homme en raison de la guerre qui frappe ce pays africain depuis plusieurs décennies, souligne Maria Beger, une chercheuse allemande. Eh bien, là-bas, le nombre d’espèces de poissons et de corail est bien moins important que celui que j’ai vu sur la Grande Barrière.»

«J’ai repéré un très gros corail d’environ 1 000 ans, mort depuis à peine plus de deux ou trois ans»

La plupart des analystes partagent cet avis: «L’Australie possède le récif corallien le plus pur de la planète», estime David Williams, le vice-directeur du centre de recherche CRC Reef. Mais tout cela pourrait toutefois bientôt disparaître à tout jamais. «J’ai repéré il y a peu de temps au sud de la ville de Cairns un très gros corail d’environ 1 000 ans qui était mort depuis à peine plus de deux ou trois ans, note Laurence Mc Cook. Après neuf ans d’expérience dans cette région et l’étude de 130 récifs éparpillés sur plus de 1000 kilomètres de distance, je ne peux pas dire que je peux fournir la preuve d’une dégradation de la totalité de la Grande Barrière de corail, mais certaines zones commencent à montrer des signes visibles à l’oeil nu qui sont inquiétants.»

De plus en plus de produits chimiques agricoles.

Le développement économique de la région risque d’avoir des conséquences dramatiques sur l’état de santé de cette merveille naturelle, qui a été classée en 1981 par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité. Les agriculteurs et les éleveurs sont les principaux responsables des maux qui frappent la Grande Barrière. Pour accroître leur productivité, les producteurs de canne à sucre et de bananes, qui ont quadruplé ces cinquante dernières années la surface de leurs plantations pour atteindre 400 000 hectares, répandent chaque année entre 150 et 200 kilos d’engrais par hectare exploité. Une très grande partie de ces produits chimiques se déversent dans les rivières avant de se jeter dans l’océan. «La culture de la canne à sucre et de la banane provoque des pertes importantes d’azote» vers la mer, résume une étude de l’Autorité du parc marin de la Grande Barrière de récif (GBRMPA). L’analyse en laboratoire de la chair de crabes vivant tout au long de la Grande Barrière a également révélé la présence de dieldrine, un pesticide utilisé par les planteurs. Les chercheurs ont aussi trouvé dans des cadavres de dugongs, gros herbivores aquatiques à peau blanche, des dioxines à des taux de «concentration auparavant jamais décelés chez des mammifères marins où que ce soit sur la planète», révèle une étude.

Elevage intensif et érosion des sols.

Un autre problème majeur «est lié au développement du pâturage pour le bétail», juge Clive Wilkinson, le coordinateur du réseau global de contrôle des récifs coralliens (GCRMN), un organisme qui travaille sous l’égide des Nations unies. Pour nourrir leurs 4,9 millions de vaches (soit près de quatre têtes de bétail par habitant), les éleveurs installés sur des terres où coulent des cours d’eau qui se jettent dans l’océan le long de la Grande Barrière ont déboisé à tout va. Dans la région de la rivière Fitzroy, plus de 4 millions d’hectares d’acacias ont été arrachés entre 1950 et 1975. Durant la seule année 1999, 425 000 hectares de terrain ont été défrichés dans le Queensland. Un record historique qui représente à lui seul 90% du total des terrains déboisés pour toute l’Australie. En détruisant les espèces endémiques, les éleveurs arrachent les racines des arbres qui évitent l’érosion des sols.Depuis le début de la colonisation européenne, il y a moins de cent cinquante ans, le volume de sédiments rejetés par les rivières le long de la Grande Barrière a ainsi été multiplié par quatre, pour atteindre 28 millions de tonnes. «En cent ans, 1,5 mètre de vase s’est déposé au fond de la baie de Cairns, révèle Eric Wolinski de l’Institut australien de science marine. Or, des études ont prouvé qu’une couche de 1 mètre d’épaisseur mettait mille ans à se déposer avant le début de l’immigration. De vieilles photos montrent aussi que Cairns était entouré de plages de sable blanc au début du siècle. Aujourd’hui, c’est une côte boueuse.» En janvier 1991, l’inondation de la rivière Fitzroy a pratiquement tué la totalité des coraux proches de la surface sur les récifs entourant l’île de Keppel. «Et lors de crues importantes, le nuage de boue qui se déverse de la rivière Burdekin se répand dans la mer sur plus de 400 kilomètres de distance», explique Clive Wilkinson. Des mesures pourraient être prises pour limiter l’élevage intensif. Mais il est d’une importance primordiale pour l’équilibre des finances de cette région rurale.

De puissants lobbies d’agriculteurs et de pêcheurs.

Les éleveurs du Queensland possèdent en effet 10,1 millions de bœufs, soit près de 45% du cheptel australien. Chaque année, les exportations de viande provenant de cet Etat représentent un chiffre d’affaires compris entre 5 et 5,5 milliards de francs. L’agriculture au Queensland génère quant à elle «chaque année 22 milliards de francs de recettes, dont près de 85% à l’exportation, explique la Fédération des fermiers du Queensland (QFF), un puissant lobby qui représente plus de 85% des agriculteurs locaux. L’industrie rurale est le deuxième exportateur de la région et une grande partie du succès économique de notre Etat et de l’emploi dans le reste du pays en dépend.»

La pêche est également un des moteurs de l’économie régionale. Cette activité, qui emploie au nord du Queensland 3 700 personnes à bord de 1 400 bateaux, réalise chaque année un chiffre d’affaires compris entre 600 et 800 millions de francs. Les revenus de la pêche à la crevette, qui compte 800 chalutiers sur la Grande Barrière, dépassent à eux seuls les 180 millions de francs, selon l’Association australienne des fermiers de la crevette (Apfa). Ces recettes sont importantes pour un État qui souffre du plus fort taux de chômage en Australie. Et le meilleur moyen de permettre à ces professionnels de la mer de subsister est de les laisser traîner leurs filets sur la Grande Barrière de corail, qui est riche en poissons.

Un quart des habitants de la région travaille d’une façon ou d’une autre pour l’agriculture.

Des règlements les empêchent toutefois de travailler dans certaines zones. Les autorités fixent aussi des quotas limitant le volume des prises. Mais «pour savoir si ces quotas peuvent être maintenus, le ministère du Queensland pour les industries primaires (DPI) vérifie que le volume de crevettes attrapées chaque année ne diminue pas, explique Eric Wolinski. Avec leurs chaluts, les pêcheurs attrapent également une bonne partie des prédateurs de ces crustacés. Vous pouvez ainsi maintenir le nombre de crevettes tout en tuant une bonne partie des autres espèces.» Les recherches du GBRMPA confirment cette thèse. Pour chaque kilomètre carré parcouru au fond des océans, un chalut attrape près d’une tonne d’animaux et de plantes, soit près de 10% de la biomasse totale. Quand ce filet passe à 13 reprises au même endroit (ce qui n’a rien d’exceptionnel dans certaines zones), entre 70% et 90% de la masse de matière vivante est détruite…

Les scientifiques sont quasi unanimes pour reconnaître les effets négatifs de la pêche, de l’élevage et de l’agriculture pour la conservation de la Grande Barrière de corail. Mais seuls le gouvernement du Queensland et le pouvoir fédéral sont habilités à réformer les politiques agricoles. Et, avec 1 habitant sur 4 de la région travaillant d’une manière ou d’une autre pour l’agriculture, les autorités ne veulent pas prendre le risque de se «fâcher» avec autant de leurs administrés. La Grande Barrière risque-t-elle donc de se dégrader lentement au profit des seuls intérêts financiers des fermiers ? Pas forcément…

Le tourisme : un recours ?

La principale source de revenus des habitants du nord du Queensland est le tourisme. Entre 2,3 et 2,5 millions de visiteurs se rendent chaque année sur la Grande Barrière pour admirer, la tête sous l’eau ou à bord d’un bateau à fond vitré, les poissons multicolores et les coraux aux formes excentriques. Ce nombre a été multiplié par 40 depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale! En 1998, 748 voyagistes ont obtenu l’autorisation d’emmener leurs clients sur les récifs. La ville de Cairns, où sont concentrés la plupart des opérateurs, a amplement profité de ce boom touristique. En 1980, sa population ne dépassait pas 30 000 habitants, contre près de 200 000 aujourd’hui !

«L’intérêt des tour-opérateurs  est de montrer à leurs clients une eau profonde avec des coraux sains»

Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, le tourisme n’affecte pas beaucoup l’équilibre écologique de la Grande Barrière. Les catamarans géants qui amènent chaque jour des milliers de vacanciers ne se rendent en effet que sur 5% des récifs du parc national. «Les opérateurs sont en outre tenus responsables de l’état de conservation des sites sur lesquels ils emmènent leurs clients, note Clive Wilkinson. S’ils dégradent les récifs dont ils ont la charge, ils perdent leur licence d’exploitation. Leur intérêt de toute façon est de montrer à leurs clients une eau propre avec des coraux sains.»

Les professionnels du tourisme ont donc plutôt tendance à soutenir les demandes de réforme des écologistes. Et leurs revendications sont prises au sérieux par les autorités locales. Ce secteur enregistre en effet un chiffre d’affaires annuel supérieur à 7 milliards de francs. Tous les observateurs savent que cette manne, qui augmente régulièrement de 5% à 10% par an, pourrait être amenée à se tarir rapidement si la Grande Barrière venait à se détériorer. Le risque est réel. «Sans un changement fondamental des méthodes de management [de ce parc], la Grande Barrière de corail va continuer à se dégrader biologiquement et esthétiquement», prévient Frank Talbot, chercheur à l’université Macquarie. Le temps presse…

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